Son of an opera singer and an Italian piano teacher (Liette), he was raised by his grandparents in Toulouse, where he heard Glenn Miller, Édith Piaf and Louis Armstrong (among others) on the radio.
In 1947 he failed his baccalaureat and commenced a career in journalism, writing for various journals including Le Journal des Curistes at Vichy and L'Echo d'Alger. At the same time he wrote songs for Marcel Amont (Le barbier de Belleville, Le balayeur du roi) and Philippe Clay (Joseph, La sentinelle). He met Georges Brassens, who became his friend and mentor.
In 1949 he performed his military service in the foreign legion at Rabat, Morocco.
He sent his lyrics to Marguerite Monnot, Édith Piaf's songwriter, who put them to music. (Méphisto, Le Sentier de la guerre). He started to sing for a livelihood in 1959 in a Parisian cabaret in Montmartre, Le lapin agile.
In 1962, he decided to sing his works himself: Une petite fille and Cécile ma fille (dedicated to his daughter, born in 1962 to his wife Sylvie, whom he met at Le lapin agile). These songs made him immediately known to the larger public, which he had already started to penetrate by participating in the concerts of Dalida.
A car accident immobilised him for several months in 1963. The following year he travelled to Brazil, and sang in prestigious halls in Paris: the Olympia, the Palais, the Théâtre de la Ville.
Following the death of his friend Jacques Audiberti in 1965 he wrote, in homage, the song Chanson pour le maçon.
The events of May 1968 inspired him to the torrential Paris Mai, a plea for life, which would be banned from the airwaves. The same year he recorded his first live album at the Olympia: Une soirée avec Claude Nougaro.
His career continued normally punctuated with success: Le jazz et la java, Tu verras, Île de Ré, Armstrong, Toulouse, Petit taureau. But in 1984, his recording company did not renew his contract. Nougaro left for New York, seeking inspiration, and while there wrote and recorded a self-financed disc, Nougayork, whose resounding success was a surprise.
In 1988 Victoires de la musique rewarded him with best album and best artist, and between 1993 and 1997 he released three new albums.
His health deteriorated after 1995, when he underwent a heart operation. In 2003, his condition left him unable to appear at the festival du Verbe at Toulouse. From 1998 to 2004 he devoted himself more to concerts and festivals, apart from an album in aid of children suffering from AIDS. Having undergone further surgery in early 2004, he died of cancer in March, 74 years old.
His music drew inspiration, among other sources, from American jazz, from which he borrowed heavily (Charles Mingus, Louis Armstrong, Dave Brubeck, Sonny Rollins), but also from Brazilian music (Antonio Carlos Jobim, Baden Powell de Aquino, Chico Buarque).
Plume D'Ange
Claude Nougaro Lyrics
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Eh bien, c'est une plume...d'ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
" C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :
" Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
" Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
" Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants...Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
" Suivez nous ".
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, je suis du Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n'êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !
The lyrics of Claude Nougaro's "Plume d'Ange" tell the story of the singer who is given a feather by an angel during a dream. The angel instructs him to show the feather to humans, and if one person believes him, the world will be saved. The singer sets out to show the feather to everyone he meets, including his lover and a little girl he becomes enamored with. However, his attempts are misguided and he is eventually committed to a psychiatric hospital. At the hospital, he meets a wise old man who reveals himself to be a tree and tells the singer that he believes in the feather. They are later joined by the angel, and the three of them laugh together.
The song is a metaphor for the power of faith and belief. The feather represents a belief in something greater than ourselves, and the singer's attempts to convince others to believe in the feather mirrors the struggle of believers in a secular world. The wise old man who reveals himself to be a tree represents the idea that faith can be found in unexpected places and that even nature can testify to the existence of a higher power.
Line by Line Meaning
Vous voyez cette plume ?
Do you see this feather?
Eh bien, c'est une plume... d'ange.
Well, it's a feather... of an angel.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
But don't worry, I don't ask you to believe me, I no longer ask you to.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Yet, listen once again, one last time, to my story.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
One night, I had a hilarious dream when I was awakened by a chill in the air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
I open my eyes, what do I see?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
In the darkness of the room, countless sparks... They were swirling and converging, through magnetic whirls, towards a point in front of my bed.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quickly, from the accumulation of these magnetic, phosphorescent flakes, a body was forming.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
When the last flakes had finished their descent, an angel was there, in front of me, a compliant angel with large milky wings.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
Like an arrow from a quiver, he pulls a feather from his shoulder, he hands it to me and he says:
"C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
"It's a feather of an angel. I give it to you. Show it to others around you.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
If only one human believes you, this unhappy world will open up to the world of joy.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
If only one human believes you with your feather of an angel.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu."
Farewell and remember: faith is more beautiful than God."
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
And the angel disappeared, leaving the feather in my hands.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
In the darkness, I stayed for a long time, illuminated, shivering with ecstasy, stroking the feather, inhaling its scent.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
In those times, I lived for the sumptuous breasts of a destructive passion.
J'allume, je la réveille :
I light up, I wake her up:
"Mon amour, mon amour, regarde cette plume... C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner... Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde !"
"My love, my love, look at this feather... It's a feather of an angel! Yes! An angel was here... He just gave it to me... Oh my darling, you know I am incapable of lying, of obscene jokes... My love, my love, you have to believe me, and you will see... the world!"
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit: "Fous moi la paix... Je voudrais dormir... Et cesse de fumer ton satané Népal !"
The beauty, her face obscured by hair, by sleep's cobwebs, replied to me: "Leave me alone... I want to sleep... And stop smoking your damn Nepalese!"
Elle me tourne le dos et merde !
She turns her back on me and curses!
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
At dawn, among the garbage negroes and the first pigeons, I hurried to my most trusted friend.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
I showed my feather to Africa, to the garbage, and of course, to the pigeons who made me swirls, cooing in admiring consideration.
Je sonne.
I ring the bell.
Voici mon ami André.
Here is my friend André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
Calmly, with precision, I emptied my biblical bag, my celestial pillow:
"Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent !"
"You understand me well, André, if I am taken seriously, all of humanity will break free from its orbit of warring and fatal curses. Clear the way! No more suffering, folly. Joy, light are arriving!"
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
André massaged his temple pensively, he gave me a moved smile, he led me into the kitchen and, over a cup of coffee, explained that I, being sensitive, inclined to wild mysticism, had to reconsider this apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Rest... The countryside air... With the birds precisely, the real ones!
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
I found myself in the bustling street, clutching the feather in my pocket.
Que dire ? Que faire ?
What to say? What to do?
"Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
"Officer, look, this is a feather of an angel."
Il me croit !
He believes me!
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Suddenly, the thunderous herds of already aggressive cars flatten out. Radiant men emerge from them, haloed by their steering wheels, embracing each other in tears.
Soyons sérieux !
Let's be serious!
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui-ci ? La petite dame ?
I walked, I walked, devouring faces. This one? The little lady?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
And suddenly the idea overwhelmed me, obvious, brilliant... Let's abandon men! Let's address the children! Only they know that faith is more beautiful than God.
Les enfants... Oui, mais lequel ?
The children... Yes, but which one?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
I kept walking, I walked on. I no longer looked at the faces of the bewildered passers-by, but inside me, garlands of children's faces, my darlings, my magical, my gullible ones, were smiling at me.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris... Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
I walked, I flew... The wind of my steps leafed through Paris... Pages of stones, of asphalt, of cobblestones now.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Those of Rue Saint-Vincent... The stairs of Montmartre. I climb, I descend and I freeze in front of a school, Rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
A few women were waiting for the children to come out. Pretending to be a father, I wait too.
Les voilà.
There they are.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
They emerge from the nursery in fresh bursts, in colorful effervescence. My gaze flutters, seeking a revelation, from face to face, from cuteness to cuteness.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
On the threshold of the school, a little girl has stopped. In the bright April light, she blinks her small jet-black eyes, slightly slanted, slightly Chinese, and vigorously rubs them.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Then she takes her orange backpack, all filled with modern mathematics.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
So I followed the little girl's brown and curly ball of a head, climbing the steps of the Butte behind her.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
About a hundred meters away, she entered a building.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
I stayed there for a long time, stroking my teeth with the beak of my feather.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
The next day, I came back to the school gate, and the day after, and the following days.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Her name was Fanny. But I couldn't bring myself to approach her. What if I scared her with my dry mouth, my sacred sweat, my deadly, vital paleness?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
So, what do I do? Do I kill myself? Do I swallow my feather? Do I stick it in the sumptuous ass of my harmful passion?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
And then one Thursday, I said to myself: I'll tell her.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
The lungs of spring exhaled their first breath of heavenly plague.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
I quickened my pace, I reached out my hand towards her curly head... Just as I was about to reach her, a heavy hand fell on my own shoulder.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
I turn around, there were two of them, they reeked of prison
"Suivez nous".
"Follow us".
Le commissariat.
The police station.
Vous connaissez les commissariats ?
You know police stations, don't you?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
The cops playing cards with Gauloises cigarettes, eating sandwiches...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
A layer of tobacco, a layer of a beating.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
The commissioner was good-natured, he wasn't showing off, he was rolling his r's:
"Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
"Sit down. It seems like I've seen you somewhere before, you.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
So, you're following little girls?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Even if it makes me look like a pervert, I will explain to you, sir, the true reason that led me to approach this child.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
I take out my feather and I go on with my nocturnal and miraculous speech.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
- Fanny, I'm sure she would have believed me. The murderers, the police, our age-old game of hard blows, all that was over, gone!
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
Let me see the object, the commissioner told me.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
With my trembling fingers, he takes the holy feather and rolls it between his eyebrows in a technical manner.
- C'est de l'oie, ça... me dit-il, je m'y connais, je suis du Périgord
- This is goose, he tells me... he knows, he's from Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis-je !
Sir, this is not goose, I tell you it's angelic!
Calmez-vous ! Calmez-vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Calm down! Calm down! But you must admit that such a statement requires at least a minimum of investigation, if there's no proof.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? Gentiment.
You will wait for a moment. We will take care of you. Nicely, right? Nicely.
On s'est occupé de moi, gentiment.
They took care of me, nicely.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Between two electroshocks, I walk around the psychiatric clinic's park where I have been staying for a month.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
Among the various lunatics who frolic or collapse on the lovely lawns, there is one being that fascinates me. He is an old man, very handsome, he always stands still in a park aisle in front of a cedar of Lebanon. Sometimes he slowly extends his arms and seems to chant a secret, sacred text.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
I finally approached him, spoke to him.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Today, we are friends. He is a surprising character, a scholar, a poet.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
To tell you that he knows everything, has learned, felt, perceived, pierced everything, is an understatement.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
From his massive, slightly green beard, with thick, twisted hairs, the words come out, calm and fruity, nourishing a narrative where all mysticisms, metaphysics, philosophies unite, come together to resemble each other in the starry well of his memory.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
In this well of intellectual rejuvenation, fool that I am, I descend, a bucket overflowing with the fresh and clear water of intelligence combined with love, I ascend.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Sometimes he contemplates me with a smile. Folds in his coarse robe, he takes out walnuts, big walnuts that he breaks in one go in his palm, crack! to offer them to me.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
One day, when he talks to me about comparative ornithology between Olivier Messiaen and Charlie Parker, I don't listen to him anymore.
Un grand silence se fait en moi.
A great silence falls within me.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
But this man whom the angel spoke to you about, this elusive man who can believe in your feather, well, yes, it's him, he is there, in front of you!
Sans hésiter, je sors la plume.
Without hesitation, I take out the feather.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
The golden eyes spark.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
He examines the feather with an acuteness that makes me shiver from head to toe.
"Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
"What a magnificent specimen of angel's feather you have there, my friend.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
So you believe me? you know it!
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Of course, I believe you. The slightly fluted shaft, the nacreous sheen of the barbs, one cannot be mistaken.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
I can even add that it is a quill of Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
But then! Since it is said that if a man believes me, the world is saved...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
I stop you, friend. I am not a man.
Vous n'êtes pas un homme ?
You are not a man?
Nullement, je suis un noyer.
Not at all, I am a walnut tree.
Vous vous êtes noyé ?
Did you drown yourself?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre.
No. I am a walnut tree. The tree. I am a tree.
Il y eut un frisson de l'air.
There was a shiver in the air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
A bird detached from the top of the tall cedar and came to perch on the old man's shoulder, and I thought I recognized, miniaturized, the mischievous angel who had visited me before.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
The three of us, the bird, the old man, and I, we laughed, we laughed for a long, long time...
Le fou rire, quoi !
The laughter of madness, you know!
Lyrics © Peermusic Publishing, LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF
Written by: CLAUDE NOUGARO, JEAN-CLAUDE MICHEL VANNIER
Lyrics Licensed & Provided by LyricFind
Bruno Dangrezat
Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume...d'ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
" C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :
" Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
" Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
" Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants...Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
" Suivez nous ".
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir aperçu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, c'est de l'oie je suis du Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n'êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !
The SEUL
Claude,
Ta plume d'Ange
Dans sa boule de cuir
Signe là sans coup ferir
Un conte songe sage.
Un jour peut-être l'humanité
bondira de sa fange, de sa cage
et en fera l'hymne humain
qu'on chantera de main en main
Solange Voiry
Un des plus beaux textes de Nougaro...sans nul doute ! Texte trop méconnu ...
Uno de los más maravillosos textos de Claude Nougaro, texto, poema demasiado desconocido, que no puedo traducir hoy, ahora ... (Es todo un gran homenaje a los "extranjeros", a los " fuera de las normas"... Me recuerda otra canción, que adoro, también una de mis preferidas , " A la sombra de un León de J.Sabina)
(Paroles: Claude Nougaro, musique: J.C. Vannier, 1977 )
Vous voyez cette plume?
Eh bien, c'est une plume... d'ange
Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...
Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grands ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit:
"C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens-toi: la foi est plus belle que Dieu."
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps-là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille:
"Mon amour, mon amour, regarde cette plume... C'est une plume d'ange!
Oui! un ange était là... Il vient de me la donner...
Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse...
Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde!"
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
"Fous-moi la paix... Je voudrais dormir... Et cesse de fumer ton satané Népal!"
Elle me tourne le dos et merde!
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidais mon sac biblique, mon oreiller céleste:
"Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste.
A dégager! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent!"
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais!
Je me retrouve dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire? Que faire?
"Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit!
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent.
Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux!
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui-ci? La petite dame?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes!
Adressons-nous aux enfants! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants... Oui, mais lequel?
Je marchais toujours, je marchais encore.
Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...
Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre.
Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses.
Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés.
Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée.
Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle prend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
A quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder.
Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale?
Alors, qu'est-ce que je fais? Je me tue? Je l'avale, ma plume?
Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste?
Et puis un jeudi, je me suis dit: je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée...
Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau: "Suivez-nous."
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r:
"Asseyez-vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles?
- Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé!
- Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça..., me dit-il, je m'y connais, je suis du Périgord.
- Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis-je!
- Calmez-vous! Calmez-vous! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'en quête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment hein? gentiment."
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine.
C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban.
Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, ils sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi!
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
"Quel magnifique spécimen de plume d'ange, vous avez là, mon ami.
- Alors vous me croyez? vous le savez!
- Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angélus Maliciosus.
- Mais alors! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
- Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
- Vous n'êtes pas un homme?
- Nullement, je suis un noyer.
- Vous êtes noyé?
- Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre."
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi!
Marylène Géry
Paroles
Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume...d'ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
" C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :
" Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
" Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
" Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants...Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
" Suivez nous ".
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, je suis du Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n'êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !
Source : LyricFind
Paroliers : Claude Nougaro / Jean-Claude Michel Vannier
Paroles de Plume d’ange © Peermusic Publishing, Les Editions Du Chiffre Neuf
Yvette GOBERT
J'adore ce texte et je trouve bien dommage que si peu de personnes le connaissent
Denis Marcel
Nougaro l'unique!
Roland ROGER
99i
Rayan MRD
Yvette GOBERT je fait une piece de théâtre
Amadeus
Non seulement un excellent chanteur ayant un style unique, mais aussi un excellent narrateur et acteur. La disparition de Claude est une grande perte pour la chanson française. Repose en paix Grand Claude.
joseliane guenot ambroise
C'est un conte merveilleux, digne de NOUGARO .Je connais depuis longtemps ,et chaque fois c'est un enchantement .Faites le découvrir autour de vous,il n'y a pas tellement d'occasion de découvrir un poème contemporain, en plus il y a la musique et NOUGARO..........🎶🎵🎼
miriana djordjevic
Tout à fait d'accord avec vous, je m'applique à faire découvrir Plume d'Ange qui est fort méconnu malheureusement! Mais combien sont les personnes qui pourraient aimer, ou même comprendre ....
Agnès BAVAY
C'est magnifique !! émouvant, touchant !! Cet homme est un génie, et je suis certaine qu'il est avec les anges, puisque lui même en est un !! Mr Nougaro, je vous aime ♥ ♥ ♥ ♥
gerard glandy
Extraordinaire, pouvoir memoriser et dire ce texte en public, quel boulot! Ceci dit la version studio est bien mieux...
Nicolas Pinet ARTHUR MAX ROSENBLUE
Un texte merveilleux sublimé par le timbre rythmé de la voix Toulousaine de Claude Nougaro. SUBLIME !